Voici l’intervention de Myriam Laïdouni-Denis, Conseillère régionale EELV – Auvergne Rhône Alpes – Groupe RCES.

 

« Je suis conseillère régionale AURA, je siège dans la commission « relations internationales » où je
mets, tant que je le peux sur la table, ce qui constitue à mon sens, non pas « un » sujet mais « le »
sujet emblématique d’où découlent l’ensemble des questions et surtout les réponses qui peuvent
nous conduire à une résilience heureuse et partagée.
I. Des approches plus larges de cette question existent-t-elles?
A) D’abord, de quoi parle-t-on vraiment ? Quel accueil ?
Il y a souvent deux questions qui se détachent ( même si à mon sens il n’est pas possible de
dissocier les deux) :
1) Celle de l’accueil d’urgence, humanitaire ; celle sur laquelle on peut ( sauf en AURA…. !) réunir
beaucoup.
Alors OK, on secoure les gens, mais et après? Et je dis bien les gens, car là aussi les mots sont
importants : avant de migrer ce sont d’abord des gens. Je suis fille de migrant, ça fait partie de mon
histoire, mais mon identité ne se réduit pas à cela.
Donc, on les secoure, et après ? On les renvoie illico après un tri ? J’entends déjà ceux qui justifient
ce tri par la phrase insupportable « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Mais alors
que fait-on, ou certains diront même « qu’en fait-on » ?
Comme si dans cette histoire nous n’avions toujours pas compris que nous sommes tous
embarqués sur la même planète, sur le même bateau.
C’est bien cette interrogation qui amène à la seconde question:
2) Celle de l’accueil avec un grand A qui est en lien direct avec l’immigration au sens large, et à la
place qui est faite par nos sociétés occidentales à ceux qui viennent d’ailleurs.
Un accueil réussi c’est celui qui conduit parfois et heureusement au bout d’un long chemin à dire
« nous » et non plus eux et nous.
Qui sont-ils, Pourquoi viennent-ils? En quoi nos politiques nationales et européennes ont une
responsabilité dans les causes qui les poussent à fuir.
Et d’ailleurs, pourquoi n’auraient-ils pas juste le droit de venir parce qu’ils en ont l’envie, parce que
le bonheur paraît plus accessible ici. On y va bien nous, mais on ne pose pas cette question dans les
mêmes termes à nos expatriés !
B) Oui, il y a bien une approche plus large qui est éminemment politique. Celle de la place
de l’immigration, de notre rapport à l’autre et des questions qui en découlent.
Comme je l’ai dit au départ, le sujet des migrants : pas « un » sujet, mais » le » sujet d’où découle
l’ensemble des problématiques auxquelles notre humanité doit faire face.

Intervention Briançon le 16/12/17
États généraux des migrations
Derrière chaque migrant comme le dit François Gemenne, il y a un réfugié politique, climatique,
économique, souvent les trois à la fois, les crises étant complexes et multifactorielles.
Là se situe un point délicat car les positions tant en matière de politique économique que
sociale et environnementale vont diverger.
Or c’est bien sur le terrain législatif et au niveau des politiques menées à l’échelon national,
international et européen que peuvent naître les réponses capables de nous conduire à la résilience
heureuse.
Pratico pratique, (les sénateurs vont développer la question), il y a non seulement le fait de :
– supprimer dans les textes le délit de solidarité, de faire appliquer les articles 13 et 14 de la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (dommage au passage qu’il n’y ait plus le citoyen
automatiquement associé comme cela était le cas en 1789) .
– mais surtout (là ça va être difficile car on touche justement aux points de divergences), de traduire
dans le droit, l’immigration comme une richesse et un échange qui s’inscrit dans la réciprocité et non
dans un lien « d’assistance » qui induit un lien de subordination entre celui qui donne et celui qui reçoit.
Donner simplement l’égalité des droits : papiers de résident, un permis de travailler, un droit à exister
comme chacun.
Et quand on regarde la situation, et par exemple la nouvelle idée du gouvernement de donner aux
mineurs étrangers non accompagnés un statut particulier qui ferait d’eux d’abord des étrangers
avant d’être des enfants… finalement, même si le terme est fort, n’a-t-on pas à faire à une sorte
d’apartheid ?
Et puis pour terminer sur cette question, évidement, l’échelon le plus approprié pour trouver une
issue heureuse à cette « crise » humanitaire mais aussi à la place que l’on fait à l’ autre, c’est l’Europe.
Malheureusement, la lecture du communiqué résumant la feuille de route pour Dublin 2018 (juin
2018) poursuit dans la direction inverse : plus de frontières, plus de tri y compris dans les pays
d’origine, pas de prise de conscience de la question mondiale (et non internationale, les mots ont un
sens), la question de notre avenir commun, et non pas simplement côte à côte.

II Une coordination plus large de l’hospitalité est-elle envisageable ?
Oui, c’est une aspiration partagée partout où j’ai eu l’occasion d’en causer.
En Isère, fin 2016, pour rendre efficient notre soutien d’élus, en complémentarité avec les réseaux
associatifs riches et pluriels, nous avons monté une coordination d’élus en soutien aux migrants la
CESMI (objectif : circulation de l’info pour plus de réactivité et complémentarité de nos actions en
optimisant les spécificités de nos différents mandats, communaux, départementaux, régionaux et
nationaux).
Chacun à notre niveau, en fonction de nos positions majoritaires ou dans l’opposition, dans la
lumière sur la scène médiatique et politique ou discrètement sur les cas particuliers, nous tentons de
faire notre juste part avec les moyens du bord. Prendre part en tout cas.
Suite aux divers échanges avec notamment Pierre Alain Mannoni lors des journées d’été à
Dunkerque, mais aussi avec des acteurs des collectifs de solidaires ici, en Isère, il semble qu’il soit
en effet pertinent de créer une coordination plus large de l’hospitalité .
Cela aurait la vertu de rendre lisible et visible à l’échelle nationale, d’une part la complémentarité du
travail mené par solidaires et élus, et également le poids qu’ensemble ils représentent.
Deux axes se dessinent:
– une mise en lien (plateforme ?) entre les réseaux (locaux mais aussi plus large au niveau
régional) qui existent déjà pour concrètement organiser sur le territoire l’accueil et éviter que les
zones d’entrées saturent.
– agir sur le plan médiatique et juridique. En permettant la réactivité et des actions lisibles à l’échelle
nationale
3 exemples concrets :
– possibilité de recours avec divers requérants ayant tous « intérêt à agir »,
– manifestations – actions médiatiques pour supprimer le délit de solidarité : concrètement par
exemple en choisissant une date emblématique : tous, partout à la même heure, citoyens,
asso, élus, aller se rendre pour « complicité » de solidarité ou délit d’humanité.
– au niveau Européen : peut-être orchestrer une initiative citoyenne Européenne ?
Côté élus, nous sommes justement en train de travailler pour initier un réseau d’élus à l’échelle
nationale. Un réseau de toutes les petites coordinations comme celles que nous avons en Isère. Le
périmètre tant politique que géographique doit être à mon sens élargi jusqu’aux lignes rouges…
celles que, ma famille politique, et le groupe auquel j’appartiens à la région s’est fixé, c’est à dire
la définition de la CIMADE et de la plupart des collectifs : pas de tri entre les migrants.
III Conclusion
La situation que nous vivons est habitée d’un paradoxe : dans ce contexte terrible, où l’homme
s’avère souvent un loup pour l’homme, il y a aussi toutes ces actions, toutes celles qui témoignent
de la fraternité. Alors certains disent, que sauver l’un d’un côté alors que des milliers sont perdus,
que faire des interventions en assemblée alors qu’on sait que ça ne changera pas la décision des loups,
c’est comme donner un coup d’épée dans l’eau. Mais à force d’en donner, on va bien finir par
faire des vagues. Et, finalement, si à travers ces histoires de gens, on réussit à s’inscrire dans une
démarche de résilience, du pire peut naître le meilleur. »

 

Merci Myriam Laïdouni-Denis,

Solidaritat*