Texte de Théo Giacometti
Alors voilà. On fait comme si de rien n’était, on dit “ salut” ou “ au revoir” et c’est
terminé. Tout cet espoir, tout ce courage pour finir encore dans un bus, un train, un
camp. On ferme les yeux, encore, on essaye de ne pas y penser ? Une espèce qui se
regarde mourir. Un peuple qui brûle sous nos yeux ébahis, abrutis d’un sommeil
rassurant : Schengen, Maastricht et Bruxelles veillent sur nos pauvres os.
Emportant les fantômes de leurs rêves, Mirtheab, Habtom et leurs frères seront
reconduits en Italie, où rien n’existe pour eux. Ni langage, ni avenir, ni famille.
Surmonter les guerres et les déserts, la solitude, la peur, la mort et être rejeté par ce
pays qui se veut moderne et dynamique. “Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne
sont rien”. . Et ceux qui crèvent sur le bord d’une route, dans le fond d’un bateau ou
gelés à l’arrière d’un camion, dans un tunnel sans fin, pour fuir en famille les bombes
si propres que nous avons vendu contre quelques euros. On les oubliera tous les fils
de la guerre, les enfants de la merde.
Nos coeurs hurlent à l’injustice, mais rien ne semble vaciller, et le courage de nos élus
s’arrête bien loin de toute prise de position, de tout acte d’humanisme. Cachez-vous
derrière vos décrets et vos démocraties qui ne sont plus que de vieilles illusions
tremblantes, des rêves à la retraite, perfusées aux pots de vin.
À des années-lumière de ses engagements, la France et son président marcheur,
comme la préfecture de Digne les Bains, tirent un trait sur leurs promesses et leurs
devoirs. Sans jamais les avoir écoutés, eux qui viennent du Soudan ou d’Érythrée,
tremblants sous les bombes et fuyants la mort, on les dégage, pour une nouvelle
place, et juste avant de dépasser le délai, ouf !
France, tu me veux patriote, je te vomis quand tu n’as aucun courage. Et toi, mon
voisin, mon frère, d’où tu viens ? Moi, vu mon nom et ma gueule, du Sud, de la
Méditerranée. Et toi aussi, je le sais. Parce que les pères de nos pères, Italiens,
Portugais, Espagnols ou Algériens ont trouvé refuge ici, j’existe. Tu te souviens qui
ils étaient ?
Mais l’apathie, la froideur et la lâcheté dont nous faisons preuve ont eu raison du
mirage de notre fierté. Toi qui veux défendre les “valeurs catholiques de la France”,
comment peux-tu justifier cette horreur ?
Collaborants de tout poil, je n’ai plus de force devant la mesquinerie de nos sociétés.
Capitalises, libéralises et chies-en du fric à plus savoir qu’en foutre, du Panama au
Luxembourg. Accueilles-en des fraudeurs, blanchisseurs et assassins économiques,
fines gâchettes du portefeuille, allez, encore ! Et avec la Marseillaise !
Mais ne viens jamais, jamais, me dire que nous n’avons pas les moyens, les budgets
ou les structures pour sauver la vie de ces malheureux. Nous n’avons pas les couilles,
ni courage ni honneur, point !