« L’humanité de demain se construit par l’accueil des migrants aujourd’hui » est un texte signé par 413 organisations et associations, pour la journée internationale des migrants.

 

 

L’humanité de demain se construit par
l’accueil des migrants aujourd’hui

En cette journée internationale des migrants, nous pensons à ces milliers d’enfants, de femmes et
d’hommes qui ont péri en Méditerranée, dans le désert, ou en captivité, alors qu’ils avaient entrepris
un voyage pour une vie meilleure, plus sûre et plus digne, comme tout être humain peut la désirer.
Hommage à tous ces exilés qui ont dû risquer leur vie à cause de plusieurs décennies de politiques
des pays les plus riches qui ont rendu les routes de l’exil impraticables et périlleuses.
En cette journée mondiale des migrants, nos pensées se portent également vers tous et toutes ces
citoyens et citoyennes engagé.e.s qui, en France, en Europe et dans le monde, pensent qu’accueillir
les personnes migrantes, manifester de la solidarité envers elles, c’est construire l’humanité
d’aujourd’hui et le monde de demain.
Les obstacles mis sur les routes des migrants font le jeu des profiteurs de malheur, qui sèment le
trouble et la terreur en se livrant au trafic d’êtres humains, au racket et à l’esclavage. Ces maux
doivent être dénoncés et combattus. Or l’arsenal répressif déployé aveuglément par les
gouvernements européens frappe du même coup les personnes migrantes, renforçant encore la
nécessité pour elles de recourir à des réseaux criminels.
La France est en première ligne de ce mauvais combat. Une proposition de loi actuellement en
discussion au parlement permettrait la rétention administrative anticipée des personnes « dubliné.e.s
*», puis, début 2018, un projet de loi sur l’immigration et l’asile risque d’accroître encore le dispositif
de répression à l’encontre de l’ensemble des étrangers. Sans attendre l’adoption de ces réformes, le
ministre de l’Intérieur, via une circulaire en date du 20 novembre, a exhorté les préfets à obtenir des
résultats rapides en matière d’expulsion de personnes en situation irrégulière. Pour ajouter encore au
caractère inacceptable de cette politique, d’autres mesures sont envisagées qui remettraient en
question le principe de l’accueil inconditionnel dans les structures d’hébergement d’urgence, et
viseraient à contraindre les acteurs associatifs opérant dans ces centres à participer au tri entre «
bons » et « mauvais » migrants.
L’action extérieure de la France est à l’avenant. Le Président Macron s’indigne du traitement des
migrants détenus en Libye, et des marchés aux esclaves, qu’il feint de découvrir quand les ONG
alertent sur leur existence depuis plusieurs années.
Mais ni la France ni l’Europe n’envisagent de renoncer à financer les « autorités » libyennes pour
qu’elles continuent de bloquer les migrants, et donc à fermer les yeux sur les violences et les trafics
dont elles se rendent de fait complices.
L’argumentaire est toujours le même : la France, comme l’Europe, ne peut pas accueillir toute la
misère du monde… Sauf que « toute la misère du monde » n’a aucunement l’intention de venir en
France ou en Europe ! Les chiffres l’attestent clairement. Entêtées dans cette logique manichéenne
de tri, les autorités des pays européens refusent d’admettre que les causes des migrations sont
multiples, et d’envisager, en conséquence, que les critères pour accueillir et accorder une protection
le soient aussi.
Dans nos actions de terrain, nous, associations et organisations citoyennes, constatons
quotidiennement les conséquences de ces orientations : maltraitance des migrants, violation de leurs
droits fondamentaux, criminalisation des bénévoles, affaiblissement des principes guidant le travail
social et la protection des personnes les plus fragiles, et donc les fondements mêmes de la solidarité
nationale.
Cette politique se développe sans concertation large avec les centaines d’associations locales,
collectifs citoyens ou organisations nationales qui travaillent aux côtés des personnes migrantes. En
dépit de nos demandes, le gouvernement se barricade derrière ses certitudes, se limitant à quelques
rencontres avec certains acteurs pour les informer de ses décisions et confirmer son choix de
pratiques démagogiques, au demeurant dénuées de réalisme, érodant chaque jour un peu plus nos
chances de construire un futur fait de droits, de solidarité et de respect.
Dans ce contexte plus qu’inquiétant, nous avons pris l’initiative, le 21 novembre, de lancer les «
États généraux des Migrations ». D’abord marqués par des rencontres en régions de tous les acteurs
citoyens impliqués, les idées et propositions qui en émergeront seront ensuite discutées à l’occasion
d’une session nationale plénière prévue au printemps prochain. Notre objectif est de faire ressortir
des revendications communes et des propositions concrètes pour une autre politique migratoire,
respectueuse des droits fondamentaux.
Ce 18 décembre, en soutien à tous et toutes les migrant e s, nous ⋅ ⋅ sommes fermement décidés à
promouvoir un changement radical qui mette un terme à ces politiques migratoires aux
conséquences humaines dramatiques.

*On utilise cette expression pour désigner les personnes « placées en procédure Dublin », c’est-à-dire
que le règlement européen Dublin III autorise à renvoyer dans l’État de l’UE par lequel elles
ont transité avant d’arriver en France.